Le Capital, en envahissant toujours plus le territoire des valeurs morales, se les annexe en apposant sur eux le sceau de l’archaïsme, pour leur substituer ses pseudo-valeurs: A la manière de tous les colons, il s’assimile le colonisé, transformant la valeur morale en marchandise sujette à l’obsolescence – qu’il lui inocule insidieusement comme ferait un parasite venimeux avec son hôte – et à laquelle viendra se substituer la nouvelle valeur-marchandise: la réification des valeurs comme PROCESSUS D’INTÉGRATION du colonialisme capitaliste. Pseudo-valeurs qui seules sont en adéquation avec la pseudo-modernité: le Capital, étendant son hégémonie à mesure que croît le développement technique, propose ses marchandises-gadgets comme LA FORME CONCRÈTE de la modernité, d’où le glissement sémantique chez les ignares: à ceux qu’ils entendent critiquer les pseudo-valeurs occidentales, ils rétorquent: « N’utilisez donc pas leurs voitures, smartphones, téléviseurs », etc., exprimant par-là, dans une inconsciente lucidité, que la marchandise est le prosélyte de l’IDÉOLOGIE CAPITALISTE, laquelle n’existe que pour mieux assurer l’expansion hégémonique de la marchandise: le conquérant déguisé en ambassadeur. Et ils avouent de même – dans une effroyable effronterie – leur soumission à cette hégémonie: jugeant – à juste titre – contradictoire d’honorer l’émissaire – la marchandise – et de cracher sur son mandataire – l’idéologie capitaliste et ses pseudo-valeurs modernes – ils raillent certes la demi-mesure; mais plutôt que de prôner de les rejeter tous ensemble, ne pouvant eux-mêmes renoncer à la marchandise, ils insinuent qu’il faut TOUT ACCEPTER ENSEMBLE: encore et toujours l’alibi d’être conséquent avec soi-même, la pose narcissiquement insolente de l’IGNOMINIE ASSUMÉE: l’aveu éhonté que la soumission à un système de production implique nécessairement la soumission à un SYSTÈME DE MŒURS; mœurs fallacieusement enjolivées de la modernité du système qui les a produites: MŒURS RÉIFIÉES.
Ainsi se généralise la soumission la plus ignoble et la plus crasse à la technocratie et à la mondialisation sous couvert de modernité, d’universalisme, et d’humanisme: encore faut-il préciser lesquels, puisque la bêtise humaine peut prendre un caractère universel, pour peu qu’il y ait des eunuques obnubilés par l’occident, qui fassent sans vergogne l’apologie de l’expansionnisme capitaliste et de ses mœurs préfabriquées dans les usines à ilotes que sont le cinéma de pacotille, la littérature de gare, et la télévision et sa chienlit publicitaire.
Ces mœurs réifiées, à l’image du Capital, sont sans frontières. Or, comme vaccin à cette pandémie de la bêtise, il y a nos vertus locales, pour refouler aux frontières ces mœurs importées. Après le barrage vert, pour endiguer la désertification, un barrage vertueux, pour endiguer la mondialisation de l’imbécillité.
Car il est de la dernière imbécillité de croire que le progrès réside dans l’émulation de mœurs quelconques, lorsque celles-ci sont réduites à des comportements de consommation: le progrès se trouve alors réduit à un rapport avec la marchandise; un « progrès » pareil, on s’en passerait fort bien.