Je crois qu’à l’ère des TIC[1], la pornographie est d’une barbarie sans égal. Sa violence n’est pas seulement physique ; elle est avant tout psychologique ; c’est un traumatisme qui crée un état de « luxure cérébrale chronique » (J. Evola, Métaphysique du sexe) chez des hommes et des femmes.
Le problème réside, d’abord, dans cette surabondance d’images sexuelles et de facto excitantes. Je dis que c’est un problème car même dans les sociétés primitives la sexualité est réglementée ; le tabou n’y est pas une censure puritaine mais un garde-fou à l’exubérance sexuelle, sans arrière-pensée « conservatrice ». Aujourd’hui, tout effort imaginatif de l’homme vis-à-vis de la femme (et vice versa) est bridé voire supprimé par la pornographie, les images de sexe, les plus diverses et déviantes, sont partout et à tout moment disponibles ; on dit à l’homme ou à la femme : « ton désir refoulé de voyeurisme, tu n’as plus à le sublimer (au sens psychanalytique) en art ou en littérature ; au contraire, tu dois assouvir immédiatement ton voyeurisme ; on ne doit pas laisser fleurir l’imagination de ton esprit, car seule la platitude de l’esprit sied au matérialisme d’aujourd’hui. » La pornographie a cette insolence de faire de l’« intimité » du sexe une affaire de « passe-temps », une affaire « publique ». Il a aussi l’insolence de standardiser le sexe.
Ensuite un point important. L’exhibition ostentatoire des « performances sexuelles » des acteurs et actrices porno, qui ne sont autre que la force de travail de l’industrie pornographique, s’inscrit dans la logique du darwinisme social lequel culpabilise l’homme et la femme moyens ; la culpabilisation sur leur médiocrité ne se circonscrit plus au domaine professionnel mais s’élargit et s’immisce dans le domaine intime ; ils sont jugés pour leur performances aussi bien publiques que privées ; comparé à un imaginaire élitisme culinaire, fécal ou de tout autre « besoin naturel », l’élitisation du sexe me réapparait dans toute son absurdité !… N’en riez pas je vous prie. La pornographie dépossède l’homme et la femme modernes de leur jugement personnel dans la chose la plus personnelle qui est le sexe… J’émets l’hypothèse que la pornographie produit la dialectique suivante : l’affirmation « si tu aimes le sexe, alors tu dois être performant » se transforme, via une logique absconse, en « si même dans ta vie sexuelle, privée, tu dois être performant, alors il est trivial que dans la vie publique et professionnelle tu dois être sur-performant ou sinon “Next!” (émission sur MTV) ».
Enfin, les pornographes n’ont pas d’éthique ! Je le dis d’emblée, car en plus de l’insipidité esthétique et scénaristique (le gonzo en est l’exemple-type), il m’est choquant de voir du sexe de jeunes adolescentes, le fisting, la rituelle éjaculation faciale… Ces trois exemples me font poser pleines de questions sur la dignité de l’homme, sur les droits de la femme ! Il ne faut pas se mentir, l’industrie pornographique demeure phallocratique et se moque éperdument de l’épanouissement de la femme. Sur ce dernier point, toute capacité d’argumentation calme et posée m’échappe, l’écœurement m’emplit et rien d’autre.
En gros, je pense que cet état de luxure cérébrale chronique dans lequel vit la société du spectacle contribue à perpétuer l’aliénation de l’homme et de la femme, l’asservissement à la logique de la « productivité » et la perpétuation de l’image de la « femme-objet ».
[1] TIC : Technologies de l’information et de la communication