La sansalite : genèse d’un larbinisme pro-sioniste qui fait des émules

 

La dernière sortie de Sansal a hérissé les cheveux des patriotes les moins exaltés, et cette énième surenchère dans le dénigrement de nos symboles révolutionnaires a sonné le glas d’un urgent repositionnement d’image pour certains médias, dont le discours contrastait encore un tant soit peu avec celui du vieux néo-harki, dans une différence de degré plutôt que de nature. Mais le saut dialectique opéré par Sansal dans sa surenchère, dans sa montée en nuisance contre les référents nationaux, a révélé la complète déterritorialisation du vieux scribouillard – malgré un plus que maigre alibi d’une résidence secondaire en Algérie – et l’alignement total de ses intérêts mesquins sur ceux des lobbies sionistes et néocoloniaux, qui ont hissé cette baudruche dans le firmament médiatique et culturo-mondain.

Ainsi on peut voir aujourd’hui des individus – écrivains, essayistes, blogueurs, ou simples lecteurs réagissant dans les réseaux sociaux – tout comme des médias de masse, s’offusquer telles des prudes effarouchées du nauséabond parallèle entre le tueur de Nice et les héros de la bataille d’Alger, commis par Sansal dans un énième « dérapage ». A croire qu’il s’agit d’un fait isolé, d’une aberration dans un paysage médiatique où le climat, sinon patriote, du moins respectueux des valeurs nationales, fut soudain déchiré par ce coup de tonnerre iconoclaste, cette traîtrise inattendue ! Comme s’ils n’avaient rien vu venir, les doux ingénus !

Or, la sortie de Sansal, non seulement s’inscrit dans la continuité de sa surenchère constante dans la prestation d’indigène de service, mais il est par ailleurs bien loin d’être un cas isolé dans l’intelligentsia culturo-mondaine, avide de recréer une société de double collège : à eux la démocratie, les droits de l’homme, et le « progrès » ; au peuple inculte, sale, arriéré, bigot, etc., la tutelle de cette « caste des nuages », pour reprendre l’image de Gramsci.

N’ont-ils réellement rien vu venir, ces patriotes de la dernière heure ?

« Pour justifier aussi peu que ce soit l’ignominie complète de ce que cette époque aura écrit ou filmé, il faudrait un jour pouvoir prétendre qu’il n’y a eu littéralement rien d’autre, et par-là même, rien d’autre, on ne sait trop pourquoi, n’était possible.  Et bien, cette excuse embarrassée, à moi seul, je suffirai à l’anéantir par l’exemple. » Ainsi parlait Guy Debord, dans « In girum ».

De même, les effarouchés d’aujourd’hui, « pour justifier aussi peu que ce soit » leur soudaine indignation, devraient prétendre qu’ils n’avaient rien vu venir. « Et bien, cette excuse embarrassée », trois chroniques de M. Mohamed Bouhamidi, à elles seules, suffiraient à « l’anéantir par l’exemple ». Entre autres.

Passons sur l’ignominie du « Serment des barbares », qui sert d’alibi à ceux qui prétendent ne plus reconnaître « le grand écrivain des débuts » avec la prostituée décomplexée d’aujourd’hui. Allons jusqu’à 2008, date de parution du « Village de l’Allemand », « un livre entièrement dédié au péché d’indifférence à la Shoah écrit par Boualem Sansal et proclamé livre phare d’un Salon du livre de Paris qui invite Israël, non comme pays mais comme Etat, pour célébrer sa naissance en sa soixantième année et glisse ainsi de la traditionnelle invitation d’un pays à la célébration de la naissance d’un Etat. »

De quoi est-il question dans cette tartine ? M. Bouhamidi nous explique : « … Dans ce village de l’Allemand vivait un ancien nazi recruté par l’ALN pour former les maquisards (ils seront passés par de bonnes mains) et qui, après l’indépendance, s’installera dans ce village de Aïn D’heb, rebaptisé Aïn Deb, honoré et vénéré par les habitants jusqu’au jour de sa mort dans un massacre collectif perpétré par les GIA. Il avait deux fils qu’il a envoyés, enfants, en France chez un compagnon de la guerre de libération qui avait préféré l’air de l’ancienne puissance coloniale – tout un symbole ! – Le premier est un cador, marié, mondialisé dans son boulot, possédant pavillon, et le second un jeune tout ordinaire d’une grande cité de banlieue maniant ce français coloré des émigrés. »

Pour faire bref, l’aîné découvrant l’histoire de son père, finira par se suicider, rongé, le pauvre chou, par la culpabilité ; laquelle ? « De page en page, l’aîné s’enfonce dans la mesure de la tuerie. Elle devient l’absolu comme devient absolue sa propre culpabilité d’être le fils de son père qui se transforme petit à petit en culpabilité tout court dans la relation avec le père, une culpabilité qui est la sienne de ne pas avoir mesuré l’ampleur du fait puis la culpabilité de toute l’humanité, non seulement de ne pas avoir vu les choses venir, de n’avoir pas arrêté le bras des nazis, non seulement d’avoir pu avoir maison, enfants et bonheur mais de ne pas vivre dans l’expiation permanente. L’aîné se suicide, laissant à son cadet son journal intime, les documents récupérés et quelque chose d’infiniment précieux aux yeux de l’auteur, la transmission d’une vérité sur ce qui transcende toute douleur, tout malheur, toute souffrance : la Shoah. »

« Le suicide est l’expiation non pour les crimes du père mais pour son propre crime d’ignorance, pour sa propre force exercée à se faire une vie, un métier, une femme, une maison, un bonheur ordinaire de réussite professionnelle et sociale… »

« Ce roman nous livre, sans jeu de mots, les soubassements idéologiques et politiques de célébration de la naissance d’Israël, un Etat pas un pays : l’obligation de culpabilité pour des crimes que nous n’avons pas commis et qui sont considérés en tant que Crime avec un C majuscule. Et nous sommes nous Algériens au premier rang de ses négateurs non par le hasard de l’oubli, de l’insouciance ou du souvenir de nos propres morts, de notre propre condition de colonisés au moment des faits, mais par adhésion passive ou inconsciente au nazisme, coupables parmi les coupables. »

Ainsi, déjà en 2008, Sansal faisait, sous couvert de fiction, mais qui soi-disant n’en est pas vraiment une (« Je suis ainsi, j’ai besoin de m’appuyer sur une histoire vraie pour écrire. Dans une fiction pure, je me sentirais comme un acrobate qui travaille sans filet, j’aurais trop peur de divaguer ») – Sansal, dis-je, faisait un parallèle tout aussi nauséabond que celui avec le tueur de Nice : l’esprit de la Révolution algérienne et celui du nazisme. D’où la thèse d’un antisémitisme algérien « spontané et naturel », thèse battue en brèche par M. Bouhamidi dans un court exposé historique que le lecteur pourra consulter sur le lien en fin d’article.

Levée de boucliers à ce moment-là ? Oui… mais pour défendre Sansal contre « une cabale » : les culturo-mondains ne sont montés au créneau que pour défendre la « liberté de création » de Sansal, devenue par un étrange renversement de sens interdiction de critiques envers son « œuvre », lesdites critiques étant en tout et pour tout au nombre de… quatre ! On a quand même vu plus élaborée, comme cabale.

Un premier thuriféraire, faisant (sciemment ?) abstraction de la thèse idéologique produite par Sansal dans son bouquin,  se gausse avec hauteur des lectures idéologiques de ceux qui critiquent cette thèse, rejetant ainsi ces critiques au nom de « l’art pour l’art », et ce concernant un texte qui prétend faire de l’art… pour véhiculer une thèse ; cercle absurde de l’aporie. Autrement dit : une idéologie, si elle est véhiculée dans une œuvre d’art (en l’occurrence un roman) n’est plus critiquable en tant que telle, l’art ayant sublimé la thèse idéologique, pour l’élever dans les sphères éthérées de l’œuvre d’art désormais incritiquable sous le prisme idéologique de nous autres philistins, qui passons à côté du « style », du rythme, de la narration, etc. Cela nous rappelle Barthes : « On ne dira jamais assez les ravages du « style » sur nos scènes bourgeoises. Le style excuse tout, dispense de tout, et notamment de la réflexion historique ; il enferme le spectateur dans la servitude d’un pur formalisme… »

Un pur formalisme ! Voilà ce qu’exige de nous autres lecteurs « endoctrinés » les chantres du relativisme idéologique.

Mais la palme du larbinisme envers Sansal le larbin (larbinisme au carré) revient au prêtre-thuriféraire qui a pondu cette énormité : « Le Village de l’Allemand » n’est pas à mettre entre toutes les mains ! Je vous laisse avec le commentaire de M. Bouhamidi :

« C’est tout à fait novateur ! C’est bien la première fois, aussi, qu’on proclame que les œuvres littéraires doivent être protégées du public et que le peuple des lecteurs n’est pas globalement mature pour aborder ce livre hors du commun ! Il ne nous manquait plus que les imams de la lecture, des directeurs de conscience, des exégètes qualifiés pour nous, peuple immature et enfoncé dans des lectures «idéologiques». Maougal nous invite, en sorte, à une lecture «censitaire», celle des mandarins, un remake du premier collège des lecteurs. »

Quelle différence entre hier aujourd’hui ? Ceux qui utilisent des mots plus grands que les choses ont qualifié de « cabale » – entre autres joyeusetés – la parution du livre d’Ahmed Bensaada sur Cologne et le phénomène Daoud ; pousseront-ils, offusqués retardataires, de pareils cris d’orfraie à la prochaine foucade de Daoud, condamné pour survivre aux mêmes surenchères que son mentor ?

Pour conclure, on pourrait dire de la sortie de Sansal le mot de l’Ecclésiaste : « Rien de nouveau sous le soleil », malgré les postures offusquées et ingénues des thuriféraires qui jettent précipitamment leurs cierges, n’osant plus suivre Sansal dans sa surenchère ; toutefois, on veut bien croire que certains ne l’ont pas vue venir, car :

Est condamné à revivre l’histoire, qui ne la connaît point

Cinquante ans après, nous voici au même point

Un bachagha des lettres, au prénom identique

A son prédécesseur, dans le domaine politique

Celui-ci, indigène de service, promu président

Du Front Algérie Française, n’est que le pendant

De son infâme héritier, cinquante ans plus tard

Promu écrivain génial, ce traître scribouillard

Pour défendre la thèse : « C’était mieux avant… la Révolution

Il aurait mieux valu décoloniser par promotion »

Comme si le colon aurait permis qu’il fût au même niveau que lui

N’était le sacrifice de ceux qu’il pourfend aujourd’hui

Au lieu de l’encre dont il use pour souiller leur mémoire

C’est de cirage à chaussure que ses mains seraient noires

Comme tous ces vendus aux Shylocks, et à leurs puissants lobbies

Emules qui versent sans vergogne dans l’islamophobie

Chantres de la haine de soi, de l’auto-dénigrement

Toqués de l’Occident, seul importe son agrément

Ainsi, faux subversifs, pour gagner leurs galons

Devant Shylock, leur maître, ils ont baissé le pantalon

Aux sionards, servilement, de douçâtres œillades

Et les prix littéraires de pleuvoir en myriades

Et leurs thuriféraires, à la moindre critique,

Exhibent fièrement ces prix, et s’écrient, extatiques:

« Jaloux, envieux, quand enfin l’un des nôtres

Est reconnu outre-mer, cela vous tue, vous autres »

« L’un des nôtres », disent-ils, des pauvres aliénés

Qui dans leur obsession, leur désir effréné

De nous convertir à la doxa mondialisée

Ne tarissent plus d’éloges pour l’Occident sacralisé

Cependant que L’Islam, les mœurs traditionnelles

Et la langue arabe, sont leurs ennemis éternels

Pour ceux-ci toutes leurs pointes les plus effilées

Et pour l’Occident sublime leurs laudes emmiellées

En contrepartie pour bons services rendus

Maints titres décernés, aussi ronflants qu’indus

Ces miettes jetées comme à des chiens zélés

N’imposent qu’aux ilotes, point à moi, désolé

Ainsi, après l’idolâtrie archaïque des statues

Leurs laudateurs ont consacré l’adulation des statuts

« Il y a eux et il y a nous », dans leur pensée binaire

Si on n’est pas laïcard, on est un fou sanguinaire

Erostrates hystériques, en mal de renommée

Posant aux pacifistes, ils ne craignent point d’allumer

Les foyers de la haine, attisés en fournaise

Où ils incendient l’Islam, en guise de temple d’Ephèse

Ou pareils à celui qui ne trouva expédient meilleur

Que d’uriner dans Zemzem, pour une renommée d’un quart d’heure

Et que l’Histoire retint comme figure d’imbécile

Ainsi finiront les néo-harkis, aussi honnis que vils (*)

(*) Extrait d’un travail en cours : « Hexamètres contre ceux qui ont choisi pour maître l’Hexagone. »

 

Ecrit par: Djawad Rostom Touati

Les liens vers les trois chroniques de M. Bouhamidi :

Sur l’antisémitisme supposé des algériens : « Questions juives à l’algérienne » :

http://bouhamidimohamed.over-blog.com/2015/11/questions-juives-a-l-algerienne.html

Sur « le village de l’Allemand » et le devoir de mémoire algérien envers la Shoah : « Sansal et le péché d’indifférence » :

http://bouhamidiover-blogcom.over-blog.com/2016/07/sansal-et-le-peche-d-indifference.html

Sur la soi-disant « cabale » montée contre Sansal et son « chef-d’œuvre » supra-idéologique : « Les faussaires et le débat » :

http://bouhamidiover-blogcom.over-blog.com/2016/07/les-faussaires-et-le-debat-sur-sansal-et-le-village-de-l-allemand.html

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