Qu’est-ce que le wantwotrisme?

Dans notre pays, on entend et on lit de plus en plus, ça et là, dans les cercles néo-colonisés, cette expression: le wantwotrisme (ou le onetwotrisme, dérivant de One Two Three). Et son corollaire: les wantwotristes. Or, récemment, j’ai pu lire une « définition » du wantwotriste, que l’on pourrait résumer ainsi: « Il est une masse de contradictions qui peut harceler, voler, violer, tuer, et en même temps qui aspire à mourir en martyr pour Allah ou pour des causes extérieures auxquelles il n’entend rien. […] Le wantwotriste sert de bouclier et de chair à canon aux différents clans du pouvoir… » etc.

Dans cette acception, le wantwotriste n’est rien d’autre qu’un élément de ce que, dans une catégorisation sociale plutôt qu’essentialiste, on désigne sous le nom de lumpenprolétariat. Ce sous-prolétariat, composé de déclassés, marginalisés, voyous, travailleurs précaires, est, pour reprendre le terme de Fanon (moins méprisant que celui de Marx), versatile: il peut aussi bien représenter une force révolutionnaire radicale, qu’un vivier pour les mercenaires de la réaction et de la contre-révolution.

Qu’est-ce qui fait qu’on passe de cette catégorisation sociale concrète à ce terme vague de wantwotrisme? Car ce qui est vague est fourre-tout, et surtout plastique: chacun peut l’employer à sa guise pour caricaturer et flétrir ce qui serait moins admissible de dénigrer sous son vrai nom.

Ainsi, pour le berbériste (et son aberration: le kabyliste) le wantwotriste est celui qui, ne partageant pas ses obsessions identitaires, admet l’identité arabe comme composante de l’identité algérienne, et dénonce l’instrumentalisation de tamazight comme élément de régression tribale.

Pour le néo-colonisé (dans ses deux déclinaisons: « citoyen du monde » et sous anarchiste libéral-libertaire) le wantwotriste est celui qui défend l’État-nation contre les coups de boutoir impérialistes, et le révisionnisme revanchard qui prétend remettre l’Algérie sous tutelle coloniale, dans des formes « light ».

Pour le bourgeois nostalgique du double-collège, et qui aspire à la stratification et la ségrégation sociale par le pouvoir d’achat, le wantwotriste (ou populiste) est celui qui rappelle constamment que l’Algérie est née d’une révolution populaire qui prétend mettre fin à la ségrégation et instaurer la justice sociale, non des efforts d’une bourgeoisie pour créer un état qui défendrait ses intérêts. (D’où, entre autres raisons, les appels constants à faire « table rase du passé », à redonner à l’indépendance « un cachet individuel », et autres balivernes pour habiller l’individualisme consumériste et le darwinisme social, dont le capitalisme est la base matérielle.)

Ainsi comme on le voit, le wantwotrisme est un terme fourre-tout, mais qui, en définitive, rend cet impérieux service: permettre aux différents aliénés (du taré identitaire au harki de la plume, en passant par le bobo mondialisé) de poignarder, derrière le voile de la caricature, tout patriotisme qui ne correspond pas à leurs vues étroites, sectaires, nombrilistes ou aplaventristes.

Écrit par: Djawad Rostom Touati

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