Le gauchiste vous rebat les oreilles de la nécessité de s’ouvrir au monde (occidental), il rabâche sans cesse de l’universalisme et du cosmopolitisme, puis se découvre tout à coup une nation et un territoire quand il s’agit d’éluder, en bon larbin auto-missionné, les critiques envers le machin nazi-sioniste: « Et nous alors? Quid de nos tares? » Il s’agirait, au lieu de s’en prendre sans cesse – parait-il – aux nazillons qui se donnent pour « la seule démocratie au Moyen-Orient », de faire l’inventaire exhaustif de toutes nos turpitudes, faute de quoi les critiques envers le nazisme-colonialisme ne seraient que le doigt qui nous empêche de voir la poutre fichée dans l’œil.
On pourrait objecter que nous ne sommes pas un état colonial monté de toutes pièces, que nous ne sommes pas un état ethnique (sauf pour les abrutis du MAK), que nous n’avons jamais prétendu à être la seule démocratie en Afrique du Nord, etc., etc., mais ce serait donner à l’eunuque désœuvré l’opportunité d’étaler son verbiage, par lequel il se caresse au fantasme d’être à l’avant-garde de la révolution à venir, puisque cela seul lui importe: le costume d’apparat à travers lequel il sublime sa misérable soumission (et quel meilleur masque que celui du discours de contestation « radicale »?).
Vous soutenez l’établissement d’un état Palestinien? Vous êtes, au mieux, un mollasson ou un benêt, au pire un « réactionnaire »: le progressiste ne connaît que la classe, ce machin suranné qu’est la nation ne lui inspire que ricanement et mépris. Comme si on pouvait parler de classe à un « peuple-classe » (Germaine Tillion au sujet des Algériens à l’époque coloniale) subissant au quotidien un nettoyage ethnique.
Ça se réclame du matérialisme dialectique, et ça vit dans les nuées. Ça se réclame de la pensée critique, et ça rabâche des dogmes figés et séparés du contexte réel, de la situation concrète.
« … Le stupide âge lyrique où l’on est à ses propres yeux une trop grande énigme pour pouvoir s’intéresser aux énigmes qui sont en dehors de soi et où les autres (fussent-ils les plus chers) ne sont que miroirs mobiles dans lesquels on retrouve étonné l’image de son propre sentiment, son propre trouble, sa propre valeur. » Quand Kundera mettait cela dans la bouche d’un de ses personnages (in « La Plaisanterie »), c’était dans un contexte de rapport interpersonnel, un amour manqué pour cause d’auto-contemplation. Aux yeux du gauchiste contemporain, à l’époque de l’abolition de la séparation entre public et privé, c’est le monde entier qui est réifié en miroir où se mire complaisamment notre révolutionnaire de pacotille, en arrangeant ce monde onirique à sa guise, pour y planter le décor le plus adéquat à ses postures « radicales ».
Et inutile de signaler au gauchiste que ses singeries font le jeu du colonialisme – et donc de l’impérialisme – qu’il prétend combattre, qu’il est l’idiot utile de ce qu’il donne à voir comme ennemi : sa « maladie infantile », pour paraphraser Lénine, lui donne une telle fièvre que, dans son délire, il vous noiera de sophismes sur l’esprit véridique qui n’a que faire de la récupération de l’adversaire, avant de conclure en vous accusant de sophisme, en faisant de vous le Gorgias de votre époque.
Il va sans dire qu’à travers ce billet d’humeur, lié à un contexte particulier, suscité par des gesticulations individuelles, nous affirmons posément, sereinement et lucidement un principe plus général, à savoir que la question palestinienne est pour nous, El-Marto, une ligne de démarcation : tout élitisme gauchiste prétendant enseigner aux Palestiniens les moyens adéquats de leur libération « vraie et authentique » (classe au lieu de nation, laïco-progressiste au lieu d’ « islamiste » – comme lors du vote pour le Hamas) n’est à nos yeux que le voile mélioratif derrière lequel le larbin gauchiste cache honteusement la crainte de ne pas correspondre aux critères, aux « normes iso » de « l’internationalisme universaliste ». Nous ne voyons dans cette singerie que ce qu’a brillamment exprimé Fanon : l’impérieux souci, pour l’aliéné obnubilé d’appartenir au bon camp des civilisés, de ne cautionner que les moyens de libération validés par ses maîtres. En conséquence de quoi, selon que l’on se réclame de la gogôche ou des droits de l’Homme (souvent des deux), il faut que les gestes et actions du dominé soient « d’une parfaite pureté » aux yeux du dogme sacré au nom duquel le gauchiste ne reconnaît aucune autre voie de lutte.
Est-il besoin de souligner à quel point, aux yeux des Ghazaouis, la piteuse scolastique du gauchiste est tragi-comique ?
Prétérition? Définitivement ma figure de style préférée.
Écrit par: Djwad Rostom Touati