Mais où est passée notre histoire nationale?

Au risque de tirer encore une fois sur une ambulance, l’éducation nationale est le secteur névralgique qui a le plus souffert de l’incompétence de ses responsables. Tous ont contribué (malgré eux ?) à faire en sorte que l’école algérienne ne contribue pas à l’édification d’une société civile forte, de part un taux d’échec scolaire les plus édifiants, selon le Conseil des Lycées d’Algérie, ce sont 500 000 élèves qui sont exclus chaque année, des élèves qui n’ont pas forcément envie de passer dans les circuits de la formation professionnelle mais qui sont quand même exclus, à cause de leur niveau pédagogique, et l’absence de suivi des administrations scolaires, enseignant et conseillers d’orientation inclus, ces derniers sont même aux abonnés absents, n’attendant que la fin de mois pour toucher leur salaire.

Mais ce qui nous intéresse ici n’est pas cette absence préjudiciable de pédagogie véritable, à même de former les élites de demain, censée sortir des citoyens destinés à pérenniser l’Algérie. Il n’est pas besoin de citer philosophes, sociologues ou penseurs pour comprendre que l’éducation est le socle essentiel pour une société saine.

L’école algérienne devrait sortir les futurs décideurs de demain, qu’ils soient médecins, avocats, policiers ou même voyous. La pédagogie est un sujet trop large, qui nécessite une approche plus psychologique et théorique, impliquant un effort de réflexion axé sur une révision totale de notre système de pensée de l’éducation. Car le temps de la fessée pour apprendre à un enfant à retenir les tables de multiplication est devenu obsolète.

Non, il est question aujourd’hui d’un sujet qui peut paraitre superficiel, et peut-être même que je suis à la masse si je vous dis que l’histoire de notre pays n’a jamais figuré dans nos manuels scolaires. Le propos est choquant, voire teinté d’ignorance mais la meilleure preuve que je pourrais avancer serait de faire une révision des programmes scolaires d’histoire. Ce qui va suivre, parlera des sujets abordés avant les réformes de Nouria Benghebrit, ancienne ministre de l’éducation. Mais cela ne change pas le fond, l’histoire algérienne reste méconnue, ou plutôt savamment ignorée, dans le but d’éviter à tout prix les démarches à édifier un véritable état-nation.

Commençons donc par le programme en primaire, cela commençait par la révolution algérienne. Outre les déclarations chocs de François Mitterrand qui ne voyait qu’une Algérie française, les manuels scolaires ne s’intéressaient pas aux événements à proprement dits, privilégiant les photos de charniers et de cadavres calcinés, le tout saupoudré de la mémoire des martyrs, d’Abane Remdane à Zighout Youcef. On pleurait leur mort pour ne pas célébrer leur héroïsme.

De 1954, on remonte le temps, pour comprendre le contexte de la colonisation en 1830. On nous affirme que l’Algérie, protectorat turc à l’époque, était crainte et faisait payer à tous le droit de passage pour la méditerranée. La flotte algérienne sous protectorat turc se fait malmener en 1827 à Navarin. Venu aider nos régents turcs, nous sommes repartis au port après notre flotte se soit fait exploser par la coalition franco-russo-britannique. Et 3 ans plus tard, cette Algérie sous protectorat turc tombera dans les mains de la France. Conclusion : nous sommes passés d’un colon à un autre. Toutefois, les ottomans ne sont pas venus avec l’intention d’éradiquer toute une population, pour la remplacer par une autre, tout en éditant des lois ségrégationnistes et racistes, les français ont su exporter ce modèle nauséabond durant des siècles.

Au cycle moyen, on laisse tomber l’histoire d’Algérie pour voyager dans l’antiquité et ses civilisations exceptionnelles, de la Mésopotamie à Rome, nous apprenions qui ils étaient, qui ils vénéraient, leurs grands penseurs, leurs artistes et leurs plus grands leaders. Ce passage dans l’antiquité ne mentionne à aucun moment un territoire nommé Numidie, l’ancêtre de l’Algérie. Nous n’aurons pas la primeur de découvrir qui étaient Massinissa et autre Jugurtha, ce serait à peine s’ils avaient quelques lignes pour dire que l’un était l’ami de Rome.

De l’antiquité, nous passons au Moyen-Âge, et pas n’importe lequel, l’édification de l’empire Ottoman. Et comme par magie, on occulte la conquête de l’Afrique du Nord par les Omeyyades, et la farouche résistance de la Kahina, est-ce parce que c’est une femme qu’elle n’a pas été ajoutée dans nos manuels d’histoire ou est-ce parce qu’elle protégeait la terre de ses ancêtres, le mystère reste entier.

Toujours dans le cycle moyen, on nous parlait des différentes civilisations musulmanes, aucune information ne filtrait concernant la Régence d’Alger, sauf 1541 et l’expédition ratée de Charles Quint. On nous parlera quand même de Khayr ad-Dîn Barberousse, un corsaire d’origine grecque qui s’occupait de la régence d’Alger à la mort de son frère.

En conclusion, le cycle moyen nous a montré le Moyen-Âge, les conquêtes musulmanes jusqu’à l’Andalousie avec Tariq Ibn Ziyad, prétendument d’origine berbère et dont la biographie été rédigé quelques siècles après sa mort. Rassurons-nous, l’homme a bel et bien existé, mais de là à l’imaginer en une figure de grand conquérant algérien, le rôle incombe aux historiens.

L’apothéose du non-sens que ce qu’est l’apprentissage de l’histoire à l’école prend tout son sens au cycle secondaire. Ah le lycée, ses pions complètement dépassés tout comme les enseignants, et ce conseiller d’orientation qui ne vient que pour toucher son salaire, mais ce n’est pas que ça. Les manuels d’histoire nous apprennent la fabuleuse histoire de la renaissance, de la révolution industrielle, de l’édification de l’Italie en tant qu’état, suivi par l’Allemagne.

Nous découvrons les grands penseurs et de cette introduction hasardeuse, nous passons par la 1ère Guerre Mondiale, la seconde pour terminer par la Guerre Froide, qui mettait en scène les deux grands bouchers du 20ème siècle, le communisme et le capitalisme. Ah oui, on parle des non-alignés, ces pays qui ne voulaient avoir à faire à aucun des deux blocs, mais qui ne se gênaient pas pour percevoir leurs aides quand ça les arrangeaient.

Et au sortir de cette petite dizaine d’année d’éducation publique, nous savons que l’Algérie a combattu la France pour son indépendance de 1954 à 1962, que l’Emir Abdelkader, ami de la France décoré de la légion d’honneur, et qui était réticent à la révolte de Mokrani, est un des mythes fondateurs de l’Algérie moderne et que notre héritage est seulement musulman et arabe.

On ne saura pas que de grandes figures de l’antiquité ont vécu par chez nous, une figure religieuse, Saint-Augustin  pourtant de chez nous, reniant sa terre natale et combattant des Donatistes plus patriotiques que lui, a eu une grande influence sur l’église catholique. On ne nous racontera pas aussi la résistance des européens, plus particulièrement des français, comme Pierre et Claudine Chaulet, Henri Alleg ou encore le Cardinal Duval, qui ont participé, de près ou de loin, à l’indépendance de l’Algérie.

Nous n’apprendrons jamais comment était la vie des algériens pendant les deux guerres mondiales, on sait juste que les soldats algériens partaient de force au front afin de servir de chair à canon. Ce que nous avons appris de nos années d’histoire à l’école, que l’état-nation est un concept qui a été appliqué autre part que par chez nous, que l’état-nation algérien n’a été édifié par aucun personnage de l’histoire antique mais ce n’est pas ça qui fait le plus mal.

Écrit par : Bilel Boudj

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